Oui, la frustration fait partie des apprentissages que l’enfant doit faire. Sous couvert de cette sacrosainte éducation bienveillante qu’on nous sert à toutes les sauces, et qui a été complétement détournée de son objectif initial, parents et professionnel.le.s se questionnent. Peut-on encore frustrer un enfant ? Est-ce bienveillant ? Où commence et où finit la bienveillance ?
Pour rappel, l’éducation bienveillante vise à favoriser les capacités de l’enfant à exprimer ses besoins et ses émotions ce qui lui permet de développer son individualité tout en rendant leur expression socialement acceptable. Cette approche s’oppose à toute forme de violence physique ou verbale. Elle est basée sur l’empathie, le respect et axée sur l’attitude de l’adulte vis-à-vis de l’enfant. Elle n’a jamais dit de ne pas frustrer un enfant, de ne pas lui mettre de cadre ou encore de ne jamais s’énerver !
Pour se construire, l’enfant a besoin de connaitre les limites mais il a aussi besoin de les repousser ou de les dépasser ! Lorsqu’il se retrouve face à une limite qu’il se doit de respecter et que celle-ci ne répond pas à son envie, la frustration apparait ! Et c’est positif pour lui, il est important qu’il puisse s’y confronter.
Bien entendu, on ne va pas frustrer pour frustrer, le rôle de l’adulte est d’accompagner l’enfant à surmonter la frustration. Une frustration positive est une éducative et non répressive.
De plus en plus de méthodes, d’outils, de conseils, d’approches différentes sont prônés autour de l’éducation des enfants, tant pour les professionnels.les que pour les parents. Cependant, aucune de ces méthodes ou approches sera la panacée car l’être humain est un être complexe et unique. Comme le dit si bien la PNL, l’être humain est toujours plus complexe que les théories qui les décrivent. S’il a des besoins primaires (manger, dormir, respirer…) et secondaires (apprendre, se réaliser…) qui sont communs à tous, il reste unique dans chacun de ses besoins. C’est ce qui fait la beauté et la difficulté de l’éducation mais qui pose également de grands défis pour les parents et les professionnels-les.
Pour grandir et devenir un adulte responsable, un enfant a besoin d’un cadre normatif et d’un cadre affectif[1]. Il est peut-être temps de revenir à l’essentiel. Certes, c’est moins vendeur, on ne peut pas faire le même business qu’avec toutes ces super-nouvelles-méthodes-infaillibles 😉 !
L’axe normatif, c’est un cadre clairement défini où les règles sont expliquées avant et non au moment du comportement inadéquat. L’axe affectif, c’est la bienveillance qui fait que l’on se montre compréhensif et à l’écoute de ce que vit l’enfant.
Le rôle de l’adulte est de trouver ce délicat équilibre entre normatif et affectif. L’éducation est un sacré exercice d’équilibrisme durant lequel il faut alterner entre : avancer, reculer, s’arrêter, repartir, tanguer, tomber, remonter, hésiter…Tout au long du parcours, nous effectuons moult acrobaties qui demandent : souplesse, adaptation, abnégation, douceur, humilité, fermeté, clarté, bienveillance pour garder tout le monde en équilibre. Autant dire que l’exercice est périlleux et exigeant, tant sur le plan physique, mental qu’émotionnel.
Alors oui, la frustration est indispensable à la construction de soi et la bienveillance est nécessaire pour traverser la frustration et grandir. Lorsque vous frustrez un enfant, vous êtes bienveillant.e.s ! Frustration et bienveillance sont sur le même balancier !
[1] Ce qui fait grandir l’enfant affectif et normatif : les deux axes de l’éducation, Maurice Nanchen, Ed. St-Augustin, 2002