Cette phrase, beaucoup d’enfants la disent après avoir cassé un jeu, tapé sur la tête du petit frère, claqué la porte, mordu, crié…
Lorsqu’on lui demande pourquoi il a agi ainsi, bien souvent il va dire qu’il ne sait pas, qu’il ne voulait pas mais que c’était plus fort que lui. Et c’était vraiment plus fort que lui.
Pourquoi ? Parce qu’il y a un trop plein ! Au fil de la journée, son réservoir d’émotions se remplit de joie, de plaisir, d’excitation, de frustrations, d’incompréhension, d’impatience… On lui vole la priorité à la balançoire, l’excitation d’un nouveau jeu, il n’arrive pas à faire sa tour en cube comme il le voudrait, aller manger un gâteau chez grand-maman, on lui dit « t’es plus mon copain », etc. Tous ces moments additionnés vont remplir son petit réservoir d’émotions qui va inévitablement finir par déborder. Il n’a pas d’autre choix que de faire de la place dans son réservoir d’une manière ou d’une autre.
Son cerveau est en pleine construction et, principalement, la zone du cerveau appelée cortex préfrontal. Celle-ci est responsable de l’organisation du comportement, de l’autocontrôle et permet de faire les liens de cause à effet. Plus l’enfant est jeune, plus cette zone est fragile et peut se dérégler facilement. Quand il y a un trop plein d’émotions, cette partie ne fonctionne plus correctement et c’est alors la zone plus primitive du cerveau (le cerveau reptilien) qui fonctionne à plein régime. L’enfant est en état d’alerte et perd la capacité de réfléchir et d’entendre ce que nous lui disons. Il n’agit pas contre l’adulte, il perd le contrôle.
Dans ces moments de vives réactions émotionnelles, le taux de cortisol (hormone du stress) grimpe en flèche. Pour aider l’enfant à abaisser son taux de stress, la présence affectueuse et chaleureuse de l’adulte va être indispensable. Cette qualité de présence lui permettra de sécréter l’ocytocine, appelée aussi hormone du bien-être ou de l’amour. C’est en l’écoutant, en le consolant et en le prenant dans nos bras (évidemment sans le forcer !) que nous allons l’aider à retrouver le calme intérieur. Les mandalas, le coloriage, la relaxation active ou la pâte à modeler peuvent être des outils complémentaires et intéressants pour favoriser le retour au calme. Bien sûr, cela dépend de chaque enfant.
Ce n’est qu’une fois l’apaisement physique revenu, que nous pourrons aider l’enfant à nommer ses émotions. « Es-tu triste ? En colère ? As-tu peur, etc. » Dans un 2ème temps, l’aider à comprendre pourquoi il ressent cette émotion. « Es-tu triste parce que tu n’as pas réussi à faire une grande tour avec tes cubes ? » Pour ensuite, amener l’enfant à trouver comment exprimer ce qu’il ressent. « Est-ce que tu pourrais demander de l’aide ? etc.» Cet accompagnement permet de ‘’remettre en route’’ le cortex préfrontal et d’être de plus en plus à même de faire face aux stress et à ses émotions intenses. Il va sans dire que ce processus prend du temps. Il ne suffit pas de le faire une ou deux fois pour qu’il soit acquis par l’enfant. Les livres et jeux qui traitent des émotions peuvent être de bons compléments pour accompagner l’enfant dans cet apprentissage.
Un autre point fondamental pour aider les enfants à vivre leurs émotions, c’est l’exemple donné par l’adulte. S’il claque une porte lorsqu’il est en colère, qu’il envoie un coup de pied dans une chaise pour se décharger des tensions de la journée ou qu’il jure lorsqu’il a peur… Il sera plus difficile de demander à l’enfant de vivre ses émotions autrement.
En résumé, vivre les émotions de manière adéquate est un long apprentissage qui demande de la patience et de la cohérence de la part des adultes. Lors d’une forte charge émotionnelle, l’enfant n’est plus en mesure de réfléchir ou d’analyser ses actions. Il faut attendre le retour au calme intérieur (ce qui peut prendre du temps) pour qu’il puisse faire le lien entre l’acte et la conséquence et qu’il puisse à nouveau entendre l’adulte. C’est seulement dans un deuxième temps, que nous allons mettre des mots sur ce qu’il vit et comment il vit les situations.