C’est une question que certains parents me posent du bout des lèvres comme s’il s’agissait de quelque chose de tabou ou de honteux. Nous vivons dans une société dans laquelle la « norme extravertie » est établie. La réussite, le bonheur se comptent en nombre d’activités auxquelles nous participons, au nombre d’amis que nous avons, à notre façon d’être visible tant dans la vie que sur les réseaux sociaux… Du coup, un enfant qui peine à s’intégrer au sein d’une collectivité questionne, et inquiète aussi parfois ! Il y a une sorte de pression sur les enfants qui doivent à tout prix se socialiser. Seulement, tous les enfants sont différents, ont un rythme différent, des besoins différents… et la collectivité peut être une source de stress importante pour certains.
Il existe passablement de croyances autour des enfants et il y en a une qui est de croire que tous les enfants ont du plaisir à être ensemble ! Si certains enfants y trouvent leur place dès les premiers instants où ils entrent en nurserie ou crèche, pour d’autres, cela sera beaucoup plus difficile. Dans la vision d’adulte, les enfants aiment rire, courir, jouer ensemble. Mais dans la réalité ce n’est pas toujours le cas (comme pour les adultes 😉).
Qu’est-ce qui est difficile pour ces enfants ?
La vie en collectivité, c’est l’effervescence constante tout au long de la journée ! Ce qui fait que les 5 sens sont continuellement en éveil. Pour les enfants sensibles ceci va générer beaucoup plus et beaucoup plus vite de la fatigue et les fragiliser émotionnellement. Les cris, les pleurs, les consignes, les décorations, les odeurs, les déplacements des uns et des autres, les activités, les conflits, des parents qui arrivent/partent… sont des facteurs de stress.
Qui dit stress, dit hormones de stress (cortisol et adrénaline en particulier) donc cela se passe au niveau du cerveau. Celui-ci doit gérer et s’ajuster à moult changements au cours de la journée (changement de personnel, d’enfants, de jeux, de salles, participer à l’accueil…) et surtout s’adapter au rythme de la collectivité. Souvent, ces enfants ont un rythme plus lent que leurs camarades et ils sont continuellement débordés durant la journée ce qui fait qu’ils ne se sentent pas en sécurité et n’y trouvent pas de plaisir.
Ensuite, le grand groupe, plus de 10 personnes, dans un endroit clos est une source de mal-être pour certains enfants (idem pour les adultes, nous ne sommes pas tous faits pour travailler dans des open-spaces par exemple) ! Plus de 10 personnes dans une même pièce met d’office le cerveau en alerte (les amygdales envoient les signaux de danger et du coup les mécanismes de défense entrent en action) ce qui augmente l’agressivité, l’irritabilité, l’isolement, la fatigue…
Comment les aider ?
- Proposer le plus souvent possible à ces enfants d’être dans des petits groupes.
- Accepter que ces enfants se mettent à l’écart.
- Proposer des jeux individuels ou à 2 personnes.
- Diminuer tant que possible les stimulations sensorielles.
- Proposer régulièrement des temps de récupération, les laisser ‘’ne rien faire’’ pour qu’ils puissent se ressourcer.
- Limiter les bruits (par exemple : éviter la musique de fond).
- Prendre dans les bras ce qui aidera à sécréter l’ocytocine (hormone du bien-être).
Il est parfois nécessaire de considérer l’arrêt de la prise en charge, car le bien-être de l’enfant doit toujours être la priorité. Lorsque toutes les stratégies d’intégration ont été épuisées et que l’enfant continue de montrer des signes de détresse ou d’inconfort, il est crucial de réévaluer la situation. En travaillant étroitement avec les parents, nous pouvons explorer des alternatives qui pourraient mieux répondre aux besoins spécifiques de l’enfant, assurant ainsi son épanouissement et son bonheur.
Il est crucial de rappeler que mettre un terme à une prise en charge ne remet pas en question les compétences des professionnel.le.s. Au contraire, reconnaître que chaque enfant a des besoins uniques et que parfois, malgré tous les efforts et les stratégies mises en place, un autre environnement ou une autre approche pourrait mieux lui convenir, est un signe de professionnalisme et de discernement. Cette décision, bien que difficile, montre une profonde compréhension des enjeux et une volonté de toujours placer le bien-être de l’enfant au premier plan.
Comme les adultes ne sont pas tous faits pour le même métier, les mêmes loisirs, les mêmes objectifs… les enfants ne seront pas tous bien en collectivité. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont un problème ! Cela ne les empêchera pas de réussir leur vie et d’être heureux, d’avoir des amis, de collaborer, de travailler en groupe… Ce n’est ni de leur faute, ni de la faute des parents ou des professionnels-les ! Simplement, à ce stade de leur vie, ils ne sont pas prêts, ils ont d’autres besoins !