Depuis quelques semaines, un sujet revient de manière récurrente tant avec les parents que j’accompagne que lors des formations que je dispense aux professionnels-les de l’enfance.
Pour les parents, les questions sont : est-ce normal que mon enfant régresse ? Pourquoi, régresse-t-il ?
Pour les professionnels-les, la question est : que se passe-t-il, beaucoup d’enfants régressent en même temps actuellement ?
Oui, des phases de régression sont possibles et même naturelles ! Pourquoi ? Les raisons sont multiples, voici quelques-unes de mes réflexions et observations.
Même s’il est normal que l’enfant régresse par moment, cela questionne toujours. Il est bon de rappeler que l’acquisition des compétences n’est pas un long fleuve tranquille… C’est un processus complexe qui ressemble plutôt à un cours d’eau sinueux de montagne, avec ses rebonds, ses tourbillons, ses fluctuations de débit, ses flaques où rien ne bouge. La régression permet à l’enfant de renforcer ses apprentissages et est souvent annonciatrice de nouvelles acquisitions.
Mais, elle peut également être signe d’anxiété. Je pense qu’actuellement, ce sentiment est l’une des principales sources de la régression chez les enfants. Le climat anxiogène dans lequel nous sommes depuis un certain temps est un facteur important. Il est difficile d’être un enfant et de grandir sereinement dans un environnement qui vit dans la peur, l’incertitude et le ras-le-bol général. Je suis ainsi persuadée qu’il y a une ‘’contagiosité émotionnelle de la régression’’ liée à l’atmosphère ambiante délétère.
Certains enfants veulent à nouveau boire dans un biberon, d’autres recommencent à sucer leur pouce… D’aucuns mordillent leur manche ou pleurnichent pour tout et pour rien… C’est le cas pour beaucoup d’enfants et c’est normal ! Dans les situations inquiétantes, les enfants se réfugient dans ce qu’ils connaissent et ce qu’ils contrôlent (les adultes font d’ailleurs de même ). Pour se rassurer, les enfants mettent en place des stratégies qui leur permet de se recentrer et de s’apaiser.
Comment les aider ?
Dans un premier temps, il est important de leur accorder ce droit de régresser. Comme le dit si bien le dicton, ils reculent pour mieux sauter. Soyez patients-es ; octroyez-leur ce temps qui leur permettra de gagner en assurance et de reprendre ainsi l’élan !
Dans un deuxième temps, il s’agit de leur faire pleinement confiance. Lorsque le calme émotionnel et psychologique reviendra, lorsqu’ils auront pu passer cette étape, ils vont éclore et grandir d’un coup ! Ils en seront fiers et, par là-même, vous aussi.
En parallèle, travailler sur leur anxiété en leur offrant des ‘’bulles de douceur’’ est nécessaire. C’est-à-dire, prévoir des moments où l’on ne parle pas de la guerre, de la pénurie d’électricité ; où il n’y a ni TV, ni radio, ni tablette ou autres médias les polluant émotionnellement, et nous aussi ! Un travail sur les émotions est important pour les soulager. Les balades dans la nature et les histoires métaphoriques pour apaiser l’anxiété peuvent être également de bonnes alliées.
Ainsi, je vous suggère de ne pas nier ce qu’il se passe dans le monde mais, aussi, de ne pas en parler plus que nécessaire. Il s’agit de trouver un équilibre, de lui donner une juste place et non toute la place. L’essentiel de leurs journées doit rester la vie familiale, la vie en collectivité, les activités scolaires et de loisirs…
A leur âge, leur capacité d’apprendre et de mémoriser est remarquable mais à double tranchants : ils intègrent de nombreux aspects propices à leur développement mais aussi d’autres moins favorables. Réduire ces derniers est de la responsabilité des adultes.
La régression est saine et naturelle. Laissons du temps aux enfants pour être petits ; ils ont toute la vie devant eux pour être des grands ! Empêcher ces allers-retours dans leur progression équivaudrait à ajouter de la pression sur leurs épaules dans un contexte déjà pesant.
En bref, filtrer l’information, atténuer les effets conjoncturels, s’enquérir de leurs émotions et recentrer leur attention sur les aspects positifs atténuera leur anxiété et donc leurs phases de régression. C’est donc essentiellement un rôle de ‘’rempart’’ qu’il s’agit d’assumer…