Qu’est-ce qu’un caprice ? Une lecture à la lumière des neurosciences
Selon la psychothérapeute Christine Brunet, un caprice est la manifestation, chez l’enfant, d’un désir impérieux, soudain, qui ne rencontre pas l’approbation du parent. C’est une tentative de faire exister sa volonté, souvent mal comprise par l’adulte.
Le psychisme de tout être humain est régi, selon Freud, par deux principes :
- Le principe de plaisir : la personne cherche à satisfaire immédiatement ses envies.
- Le principe de réalité : l’individu apprend à différer ses désirs ou à les adapter en fonction des contraintes extérieures.
Lorsque l’enfant fait ce qu’on nomme un « caprice », il fait surtout l’expérience d’un tiraillement entre ces deux principes. Il se heurte à une réalité qui ne répond pas à ses désirs, ce qui génère une frustration difficile à réguler.
Mais que se passe-t-il vraiment dans son cerveau ?
Le cerveau en construction : immaturité émotionnelle et développement des fonctions exécutives
Le cerveau de l’enfant, notamment le cortex préfrontal (siège de la régulation des émotions, du raisonnement et de l’inhibition) est encore très immature dans les premières années de vie. Ce sont plutôt les structures plus archaïques, comme l’amygdale, qui dominent : elles déclenchent des réactions émotionnelles puissantes, souvent explosives, face à un stress ou une frustration.
Autrement dit, les jeunes enfants ne « font pas un caprice », ils sont submergés par leurs émotions. Leur cerveau ne leur permet pas encore de prendre du recul ou de se raisonner comme un adulte pourrait le faire.
👉 On appelle souvent « caprice » ce que l’on ne comprend pas, ou ce que l’on juge inadapté à partir de notre propre référentiel adulte. Pourtant, la colère chez l’enfant est toujours le reflet d’une émotion réelle, et parfois d’un besoin non reconnu.
Émotions, stress et besoins
Tous les enfants ont besoin d’exprimer leurs émotions : colère, tristesse, peur, joie… mais cela suppose plusieurs compétences que leur cerveau est encore en train d’acquérir :
- la capacité à identifier l’émotion vécue
- le langage nécessaire pour la nommer
- les habiletés sociales pour l’exprimer de manière socialement acceptable
Un trop-plein émotionnel, une incompréhension, un sentiment d’injustice, un besoin mal compris ou ignoré… tous ces éléments peuvent provoquer des réactions intenses (cris, pleurs, agitation) que l’adulte perçoit parfois comme un caprice. En réalité, ce sont des signaux : l’enfant a besoin d’aide pour les traverser.
Peut-on vraiment parler de caprice ?
Le mot « caprice » suppose une intention de manipulation de la part de l’enfant. Il impliquerait une capacité à préméditer, à élaborer une stratégie pour obtenir ce que l’on veut. Or, cela nécessite des compétences cognitives encore absentes ou en cours de développement chez les tout-petits.
À quel âge les « caprices » apparaissent-ils ?
- Avant 2 ans, on ne parle pas de caprices. L’enfant n’a ni la représentation mentale de ce qu’il veut, ni la capacité de prévoir les réactions de l’adulte. Il vit dans l’instant présent, réagit à ses besoins non comblés ou à un stress, sans stratégie cachée.
- Entre 2 et 4 ans, l’enfant entre dans une phase naturelle d’opposition. Il découvre qu’il n’est pas tout-puissant, qu’il peut dire « non » et cherche à s’affirmer. Ce besoin d’autonomie est sain et fondateur. Il teste les limites, non pour manipuler, mais pour vérifier la solidité du cadre, ce qui le rassure.
- Entre 4 et 6 ans, le langage se développe et l’enfant devient plus habile à formuler ses désirs. Il commence à comprendre les conséquences de ses actes et peut parfois utiliser des comportements stratégiques. Toutefois, ses capacités d’autorégulation émotionnelle restent limitées, et les débordements sont encore fréquents.
Que faire en tant qu’adulte ?
Voici quelques pistes éducatives et respectueuses du développement de l’enfant :
- Anticiper : dire à l’avance ce que l’on attend de l’enfant, décrire la suite des événements.
- Garder son calme : un adulte calme offre un modèle de régulation à l’enfant.
- Chercher à comprendre : quelle est l’émotion sous-jacente ? Quel besoin s’exprime ?
- Revenir sur l’événement après-coup : une fois l’émotion retombée, aider l’enfant à mettre des mots sur ce qu’il a vécu.
Pour conclure
Derrière ce que l’on appelle « caprice », il y a toujours un message, une émotion, un besoin. Le rôle de l’adulte est d’aider l’enfant à nommer ce qu’il vit, à mettre du sens, à l’accompagner dans la construction de ses compétences émotionnelles et sociales.
Rappelons-nous que l’enfant n’a pas encore toutes les ressources internes pour faire autrement. Ce qu’il fait, c’est ce qu’il peut faire à cet instant, avec le cerveau qu’il a.